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La FPJQ réclame la fin des manœuvres judiciaires du gouvernement Legault contre l’accès à l’information 

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Québec, le 20 mai 2025 - La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) réclame la fin immédiate des procédures juridiques entreprises par le gouvernement du Québec visant à affaiblir l’accès à l’information et la transparence des organismes publics. 

Le 8 mai dernier, le procureur général du Québec (PGQ) a déposé une demande de pourvoi en contrôle judiciaire devant la Cour supérieure du Québec pour faire annuler des décisions de la Cour du Québec et de la Commission d’accès à l’information (CAI). 

Dans cette affaire, le PGQ prétend que le journaliste Frédérik Plante du Toronto Star ne pouvait se représenter seul devant la CAI puisqu’il n’est pas avocat et travaillait à ce moment-là pour le Globe and Mail. La CAI n’a pas retenu cet argument, notamment en raison de la jurisprudence existante à ce sujet. De son côté, la Cour du Québec a aussi refusé la demande d’appel du PGQ, le 11 avril dernier. 

 

Un précédent clair ignoré par Québec 

Rappelons qu’en 2013, la Cour du Québec a statué que le journaliste et recherchiste de La Presse, William Leclerc, n’avait pas besoin d’être avocat pour se représenter lui-même devant la Commission d’accès à l’information, même s’il travaillait pour son employeur, contrairement aux prétentions du procureur général du Québec à l’époque. 

Douze ans plus tard, la FPJQ est étonnée et inquiète de voir le procureur général du Québec revenir à la charge et menacer à nouveau l’accès à l’information et la transparence des organismes publics dans la province. 

De plus, selon les informations recueillies par la FPJQ à ce jour, il semblerait que le PGQ invoque maintenant le même argument dans plusieurs dossiers d’accès à l’information déposés par des journalistes au Québec. 

« Pendant que le ministre responsable de l’accès à l’information, Jean-François Roberge, montre peu d’intérêt à réformer la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics, son collègue à la Justice, Simon Jolin-Barrette, mène une bataille en coulisse pour empêcher les journalistes d’obtenir ces mêmes documents. On se croirait dans un monde kafkaïen, digne d’une république de banane », lance le président de la FPJQ, Éric-Pierre Champagne. 

« Les organismes publics enfreignent régulièrement la Loi d’accès au Québec; j’en ai fait l’expérience à de nombreuses reprises. Les demandes de révision devant la CAI sont un moyen essentiel pour les journalistes – et pour le public – de forcer ces organismes à rendre des comptes. La CAI doit demeurer accessible à tous, pas seulement aux avocats », signale Frédérik Plante. 

 

Une attaque sournoise contre la presse et l’intérêt public 

Si le PGQ obtenait ultimement gain de cause dans cette affaire, cela signifierait que les journalistes devraient systématiquement être représentés par un avocat pour soumettre une demande devant la Commission d’accès à l’information. Un tel recul irait évidemment à l’encontre de l’esprit de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics, qui favorise la transparence. 

De plus, une telle obligation qui serait imposée aux journalistes et aux médias pour lesquels ils travaillent affaiblirait considérablement leur capacité à intervenir devant la CAI. « Dans un contexte où la grande majorité des médias grattent les fonds de tiroir pour se maintenir en vie, il y a fort à parier qu’ils n’auront pas les moyens de retenir les services d’un avocat pour les représenter devant la CAI », affirme Éric-Pierre Champagne. 

« Qui tirerait profit d’un tel recul ? Un gouvernement qui souhaite ajouter d’autres entraves à la transparence et à l’accès à l’information en sortirait le grand gagnant au détriment de l’intérêt public et de la démocratie », ajoute M. Champagne. 

À la lumière de ces nouvelles informations, la FPJQ présente trois demandes au gouvernement du Québec. 
 

  1. Retirer immédiatement la demande de pourvoi en contrôle judiciaire devant la Cour supérieure du Québec 

La FPJQ demande au ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, de faire retirer le plus rapidement possible la contestation du procureur général devant la Cour supérieure du Québec. « En poursuivant dans cette voie, le ministre et son gouvernement se placeraient du mauvais côté de l’histoire en tentant de miner un système d’accès à l’information qui a un urgent besoin d’être réformé et non d’être affaibli encore plus », soutient Éric-Pierre Champagne. 
 

  1. Modifier la Loi sur le Barreau pour ajouter une exception pour la Commission d’accès à l’information 

La Loi sur le Barreau stipule que seul un avocat peut représenter une personne morale au Québec, mais prévoit tout de même une série d’exceptions pour de nombreux tribunaux administratifs, dont le Tribunal administratif du logement, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, certaines sections du Tribunal administratif du Québec et plusieurs autres. 

La FPJQ demande au ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, d’entreprendre dans les plus brefs délais une simple révision de la Loi sur le Barreau en ajoutant la Commission d’accès à l’information au nombre des exceptions déjà prévues. 

« Fermons une fois pour toutes cette brèche qui permet à différents gouvernements de tenter d’affaiblir notre démocratie en minant davantage un système d’accès à l’information qui est devenu une véritable risée », déclare Éric-Pierre Champagne. 
 

  1. Une vraie réforme pour l’accès à l’information et ça presse ! 

La FPJQ demande au ministre responsable de l’accès à l’information, Jean-François Roberge, de passer de la parole aux gestes : il doit entreprendre dans les plus brefs délais une réforme de l’accès à l’information. 

« Le Québec a déjà été un leader en matière de transparence et d’accès à l’information, mais il est devenu au fil des ans un vrai cancre. Nous nous contentons depuis trop longtemps d’une certaine médiocrité : il est plus que temps que ça change », souligne Éric-Pierre Champagne. 
 

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) est la plus importante association de journalistes au Canada. Elle défend la liberté de la presse et le droit du public à l’information. Elle représente quelque 1400 membres dans plus de 250 médias écrits et électroniques qui pratiquent tous les métiers de l’information : reporters, recherchistes, réalisateurs, animateurs, chroniqueurs, photographes et autres.  

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Pour les demandes d’entrevues, prière de contacter Martine Desjardins, directrice générale de la FPJQ. 

Courriel : martine.desjardins@fpjq.org 


Éric-Pierre Champagne, président de la FPJQ, et Frédérik Plante, 20 mai 2025. Crédit photo : Martine Desjardins


Annexe

Questions - Réponses


La FPJQ réclame la fin des manœuvres judiciaires du gouvernement Legault contre l’accès à l’information. Mais de quoi est-il question ?
 

Le procureur général du Québec (PGQ) veut faire casser des décisions de la Cour du Québec et de la Commission d’accès à l’information (CAI) dans un dossier où un journaliste, Frédérik Plante, a fait une demande d’accès à des documents auprès du ministère de la Sécurité publique.
 
Devant la CAI, le procureur général du Québec a plaidé que M. Plante ne pouvait se représenter seul puisqu’il n’est pas avocat et travaillait à ce moment-là pour le Globe and Mail. La CAI n’a pas retenu cet argument, notamment en raison de la jurisprudence existante à ce sujet. De son côté, la Cour du Québec a aussi refusé la demande d’appel du PGQ, le 11 avril dernier.
 
Le PGQ a porté l’affaire devant la Cour supérieure : une première audience est prévue le 28 mai prochain.


 
Je ne savais pas qu’il faut être un avocat pour se représenter devant la Commission d’accès à l’information…


Ce n’est pas le cas, généralement. Un citoyen qui fait une demande en son nom n’aura pas à être représenté par un avocat. La situation diffère si vous faites une demande de révision devant la CAI au nom d’un tiers, en l’occurrence au nom d’une personne morale. Dans un tel cas, la Loi sur le Barreau prévoit que le demandeur doit être représenté par un avocat, sauf pour certaines exceptions prévues par la loi.


 
Est-ce que les journalistes doivent être représentés par un avocat devant la CAI ?


En pratique, la réponse est non. La Loi sur l’accès aux documents des organismes publics existe depuis 1982 : les journalistes ont fait des milliers de demandes de révision devant la CAI sans que ça ne pose aucun problème jusqu’à l’affaire William Leclerc…


 
Qu’est-ce que c’est cette affaire ? Qui est William Leclerc ?
 

William Leclerc est un recherchiste à La Presse. Dans le cadre de son travail, il dépose régulièrement des demandes d’accès à l’information auprès de ministères et d’organismes publics. Les documents obtenus servent éventuellement à produire des reportages sur des enjeux d’intérêt public.
 
En 2008, M. Leclerc a déposé une série de demandes pour obtenir des documents auprès d’Hydro-Québec. Après avoir essuyé un refus, il a déposé une demande de révision devant la Commission d’accès à l’information, un organisme chargé de faire appliquer les lois en matière d’accès à l’information au Québec.
 
Le procureur général du Québec avait alors invoqué la Loi sur le Barreau en avançant l’argument que William Leclerc ne pouvait se représenter seul puisqu’il n’est pas avocat et qu’il travaillait plutôt pour La Presse. La Cour du Québec a tranché en faveur de M. Leclerc en février 2013 et depuis, c’est cette décision qui fait jurisprudence en la matière, du moins au cours des 12 années qui ont suivi…


 
Est-ce qu’on sait pourquoi le gouvernement du Québec revient à la charge avec cet argument ?


La réponse courte : on ne sait pas pourquoi le procureur général du Québec s’acharne à nouveau alors que la jurisprudence est pourtant claire. La seule question qu’on peut se poser à ce stade-ci, c’est de savoir qui bénéficiera d’une éventuelle victoire du PGQ devant la Cour supérieure ?
 
Un gouvernement qui souhaite ajouter d’autres entraves à la transparence et à l’accès à l’information en sortirait le grand gagnant au détriment de l’intérêt public et de la démocratie.


 
Comment ça ?


Si le PGQ obtenait gain de cause dans cette affaire, cela signifierait que les journalistes devraient systématiquement être représentés par un avocat pour soumettre une demande devant la Commission d’accès à l’information. Un tel recul irait évidemment à l’encontre de l’esprit de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics, qui favorise la transparence.
 
De plus, une telle obligation qui serait imposée aux journalistes et aux médias pour lesquels ils travaillent affaiblirait considérablement leur capacité à intervenir devant la CAI. « Dans un contexte où la grande majorité des médias grattent les fonds de tiroir pour se maintenir en vie, il y a fort à parier qu’ils n’auront pas les moyens de retenir les services d’un avocat pour les représenter devant la CAI », affirme le président de la FPJQ, Éric-Pierre Champagne.
 
Des chercheurs, des employés au sein d’organisation sans but lucratif ou de groupes de pression pourraient aussi subir le même sort.


 
C’est si grave que ça ? Vous n’exagérez pas un peu ?


 Le gouvernement du Québec dispose actuellement d’une immense marge de manœuvre pour traiter les demandes d’accès à l’information : il peut les refuser, gagner du temps ou même caviarder abondamment les documents qu’il rend publics. Ce n’est pas pour rien que la FPJQ réclame depuis des années une réforme en profondeur de la loi. La Commission d’accès à l’information est d’ailleurs du même avis.
 
Si le PGQ avait gain de cause dans cette affaire, aussi bien dire que la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics n’aurait guère plus de valeur que le papier sur laquelle elle est imprimée…


 
Que demande la FPJQ ?


Essentiellement trois choses.
 
1.    Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barette, doit faire retirer immédiatement cette demande de pourvoi en contrôle judiciaire devant la Cour supérieure du Québec. « En poursuivant dans cette voie, le ministre et son gouvernement se placeraient du mauvais côté de l’histoire en tentant de miner un système d’accès à l’information qui a un urgent besoin d’être réformé et non d’être affaibli encore plus », soutient Éric-Pierre Champagne.
 
2.    Le ministre de la Justice doit modifier la Loi sur le Barreau pour ajouter la Commission d’accès à l’information à la liste des exceptions déjà prévues, où il n’est pas nécessaire qu’une personne morale soit représentée par un avocat, comme devant le Tribunal administratif du logement par exemple.
 
3.    Le ministre responsable de l’accès à l’information, Jean-François Roberge, doit entreprendre une vraie réforme pour l’accès à l’information et ça presse !
 

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