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Depuis janvier 2018, vous retrouvez chaque semaine, à la fin de votre lettre InfoFPJQ, sous la plume de journalistes et chroniqueurs bien connus, un point de vue ou une analyse sur l’actualité médiatique.

Les propos reproduits ici n’engagent que l’auteur. La FPJQ ne cautionne ni ne condamne ce qui est écrit dans ces textes d’opinion.

Steven Guilbeault, « ministre des médias » 

par Nathalie Collard 

 

Si j’avais su, lorsque j’ai interviewé Steven Guilbeault en juin dernier pour La Presse, qu’il deviendrait ministre responsable des médias cinq mois plus tard, je lui aurais posé des questions. Mais voilà, à l’époque je me demandais plutôt ce que cet environnementaliste de la première heure venait faire avec un livre sur l’intelligence artificielle.

Dans Le bon, la brute et le truand. Ou comment l’intelligence artificielle transforme nos vies (Druide), Steven Guilbeault réfléchit à l’impact de l’IA dans la société. Il se soucie de la protection de nos renseignements personnels. Il réfléchit à la toute-puissance des géants du Web.

En entrevue, il avait beau m’expliquer qu’il en discutait souvent avec sa voisine, Joëlle Pineau, directrice du laboratoire de recherche en IA chez Facebook, j’étais quand même un peu surprise que ça l’intéresse au point de consacrer son précieux temps à la rédaction d’un livre sur le sujet. 

J’ai repensé à cette entrevue quand les premières rumeurs concernant la nomination de Steven Guilbeault à la tête du ministère du Patrimoine ont commencé à circuler. Je me suis même demandé s’il n’avait pas eu des dons de clairvoyance... 

 

Un ministère important 

J’ai lu les nombreux commentaires de gens déçus que le militant vert ne se retrouve pas à la tête du ministère de l’Environnement. Je peux comprendre leur déception. Ce que je comprends moins, c’est que le ministère du Patrimoine soit vu comme un poste mineur aux yeux de bien des gens. Le porte-parole de Greenpeace au Québec, Patrick Bonin, est allé jusqu’à déclarer que Steven Guilbeault avait été « mis sur une tablette ». Voyons donc ! 

Je ne suis pas la seule à avoir été décontenancée par ce commentaire. 
Le producteur Jacques K. Primeau, qui a déjà présidé l’ADISQ et le CA du partenariat du Quartier des spectacles, a publié un statut enflammé sur sa page Facebook dans lequel il écrit ceci : « Considérer le ministère qui s'occupe de la culture, des médias comme une tablette !!!! Alors que la culture et la production médiatique sont essentielles à toutes velléités de changement social, politique et... environnemental. Eh oui cela passe en grande partie par la production de livres, chansons, pièces de théâtre, films, documentaires, recherches journalistiques et tout ça, on appelle ça "une tablette" » 

Plus loin, il ajoute : « …la contribution de la culture à la société est vitale pour la faire progresser et la rendre plus vivable et elle contribue à un but fondamental : comprendre, réfléchir voire souvent contribuer au mieux vivre, collectivement et personnellement. » 

Je partage pas mal tout ce qu’a écrit Jacques K. Primeau.
J’ajouterais qu’à mon avis, de tous les candidats potentiels à ce poste de ministre, il comptait parmi les meilleurs. 

  

Premièrement, il a une certaine connaissance de l’univers des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) qui représentent sans aucun doute une des plus grandes menaces à notre souveraineté culturelle. La question de la taxe Netflix et des éventuelles redevances que pourraient verser ces géants du Web est au cœur des préoccupations de tous les acteurs de l’industrie culturelle et médiatique au pays. 

Steven Guilbeault sera également le ministre responsable de Radio-Canada, des mesures de soutien aux médias en crise, du CRTC, du financement des arts, etc. 

Ce sont des enjeux cruciaux et complexes et je suis rassurée que ce soit quelqu’un comme lui, un être éminemment politique qui a, de surcroît, une bonne connaissance du monde des médias, qui soit en est responsable. 

Même le fait qu’il ait déjà publié quatre livres n’est pas à négliger. Au Canada, les ministres qui ont écrit des livres sont plutôt rares. Habituellement ils se contentent de publier leur autobiographie, et ils la rédigent rarement eux-mêmes.

La nomination d’un ministre-auteur à la tête du ministère responsable du financement des arts (et donc du monde de l’édition) me rassure quand même un peu.

Bref, pour toutes ces raisons, je choisis le camp de l’optimisme. Espérons que Steven Guilbeault fera preuve de la même fougue et de la même intelligence dans son nouveau poste que lorsqu’il défendait l’environnement. Nous en avons bien besoin.

 

-30- 

Nathalie Collard est journaliste depuis plus de 25 ans, à l’emploi de La Presse depuis 2001. Elle a couvert le secteur des médias durant de nombreuses années, et ce, pour plusieurs publications. Elle est également l’auteure de plusieurs essais.   

 

Les propos reproduits ici n’engagent que l’auteure. La FPJQ ne cautionne ni ne condamne ce qui est écrit dans ces textes d’opinion.  

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