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Depuis janvier 2018, vous retrouvez chaque semaine, à la fin de votre lettre InfoFPJQ, sous la plume de journalistes et chroniqueurs bien connus, un point de vue ou une analyse sur l’actualité médiatique.

Les propos reproduits ici n’engagent que l’auteur. La FPJQ ne cautionne ni ne condamne ce qui est écrit dans ces textes d’opinion.

Nos salles de nouvelles ne reflètent pas la réalité

Par Nathalie Collard

Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Sonya Fatah et Asmaa Malik qui enseignent toutes les deux à l’Université Ryerson, à Toronto. Lundi dernier, elles ont publié un long texte sur le site J-Source.

Elles y observent – exemples à l’appui – que les journalistes issus de la diversité proposent souvent des sujets qui sont dans l’angle mort des journalistes blancs, hétéros, de classe moyenne qui constituent la majorité des journalistes au pays.

Or, insistent-elles, une salle de nouvelles diversifiée ainsi qu’une vision éditoriale inclusive se traduisent par une couverture plus variée des sujets qui touchent tous les Canadiens, y compris les gens racisés, trans, handicapés, défavorisés, etc.

 

Malik et Fatah – qui est également rédactrice en chef du site J-Source – invitent les dirigeants des salles de nouvelles à examiner leur processus d’embauche : est-ce qu’il favorise les candidats issus de la diversité ? Les autochtones ? Les journalistes de la communauté LGBTQ ?

Poser la question c’est y répondre.

 

Un questionnaire a été envoyé dans 400 médias nationaux, régionaux et locaux à travers le pays. Seulement cinq d’entre eux ont répondu. Impossible, donc, de brosser un portrait exact de la situation.

Comment expliquer ce taux de réponse famélique ?

Manque de temps ou d’intérêt ? se demandent les deux professeures.

Sans doute un peu des deux.

À mon avis, le fait qu’on embauche pas mal moins par les temps qui courent, crise des médias oblige, explique sans doute aussi ce peu d’enthousiasme. Et il se peut qu’à l’extérieur de Toronto, le bassin des étudiants en journalisme issus de la diversité soit plus restreint. Dommage, car ce fameux questionnaire aurait permis d’en savoir davantage.

 

Femmes et diversité

Ce n’est pas la première fois qu’on se questionne sur la composition des salles de rédaction des médias d’information. Le débat se fait ailleurs dans la société –théâtre, cinéma, télévision, etc. – et il n’épargne pas, avec raison, le milieu journalistique. Certains médias ont adopté des mesures pour tenter de favoriser la diversité (un exemple : La Presse a mis sur pied les bourses de la diversité justement dans le but de faire une meilleure place aux journalistes autochtones ou issus des minorités visibles). Mais le fait est que les facultés de journalisme québécoises sont encore très homogènes, elles aussi.

Alors que faire ?

Et si on commençait par diversifier nos sources, c’est-à-dire les experts et les individus que nous interviewons pour nos reportages ? Les gens issus de la diversité se reconnaîtraient peut-être davantage s’ils étaient en mesure de s’identifier aux intervenants qu’ils voient et qu’ils entendent dans les médias ?


Il y a quelques années, Shari Graydon a lancé Femmes expertes, un répertoire de femmes spécialisées dans différents domaines destinés aux journalistes afin de contrer l’absence des femmes dans les médias. Mme Graydon est allée à la rencontre des patrons des salles de rédaction à travers le pays pour les sensibiliser et leur offrir gracieusement son répertoire.

Il faudrait sans doute faire la même chose pour les experts issus de la diversité.

Oui, dans le feu de l’action, nous les journalistes avons tendance à nous tourner vers des visages connus, ceux et celles qui répondent rapidement à nos demandes toujours pressantes. Mais c’est aussi notre responsabilité de sortir des sentiers battus et d’aller vers les autres. Nos lecteurs ne seraient pas les seuls à en bénéficier. Nos médias aussi.

 

-30-

 

Nathalie Collard est journaliste depuis plus de 25 ans, à l’emploi de La Presse depuis 2001. Elle a couvert le secteur des médias durant de nombreuses années, et ce, pour plusieurs publications. Elle est également l’auteure de plusieurs essais.   

 

Les propos reproduits ici n’engagent que l’auteure. La FPJQ ne cautionne ni ne condamne ce qui est écrit dans ces textes d’opinion.  

 

 

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