Billets

Depuis janvier 2018, vous retrouvez chaque semaine, à la fin de votre lettre InfoFPJQ, sous la plume de journalistes et chroniqueurs bien connus, un point de vue ou une analyse sur l’actualité médiatique.

Les propos reproduits ici n’engagent que l’auteur. La FPJQ ne cautionne ni ne condamne ce qui est écrit dans ces textes d’opinion.

Le congrès de la FPJQ : notre thérapie collective

PAR ANDRÉ LAVOIE

Nous le savions depuis un bon moment. Le congrès 2020 de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) n’aurait pas la même saveur que les précédents, manquant de plusieurs ingrédients essentiels : rencontres impromptues, conversations de corridors, échanges animés, soirées bien arrosées, nuits trop courtes, et parfois secrets d’alcôve.  

Les 7 et 8 novembre, ironiquement l’un des plus beaux week-ends de cet automne plus gris que les autres, des dizaines de membres de la FPJQ ont accepté de rester rivés à leur écran d’ordinateur pour participer à cette variation de ce grand rendez-vous. Et il faut d’emblée lever notre chapeau à l’équipe de direction de même qu’au comité organisateur d’avoir relevé le défi de « tricoter » ce congrès virtuel dans ce contexte anxiogène et contraignant. Et qui vient forcément avec son lot de pépins techniques, de distorsions sonores, d’images floues, et de retenue obligée au moment de débattre, lors de l’assemblée générale par exemple. Certaines furent plus tendues en « présentiel ».

Libres échanges

Dans ce qui ressemble parfois à des clichés tenaces, le journaliste apparaît par essence cynique, plein d’assurance, et parfois porté à l’autoflagellation. Le congrès annuel de la FPJQ représente un concentré de ces caractéristiques, de même qu’une formidable mosaïque de pratiques, donnant ainsi la chance à des collègues qui se croisent peu ou pas – les critiques de cinéma frayent rarement avec les correspondants parlementaires, alors que les journalistes indépendants se sont longtemps sentis peu interpellés par l’événement – d’échanger sur leurs réalités respectives. Tout cela n’a rien d’un « Love Fest », mais d’une fois à l’autre des réseaux se tissent, des amitiés se nouent, et des pigistes comme moi réussissent même à décrocher de nouveaux contrats.

À l’heure où la COVID-19 impose sa loi et que la plateforme Zoom dicte les siennes, cette dynamique fut bien sûr mise à mal cette année, mais n’a pas freiné les discussions stimulantes (sur le fiel toxique que déverse une partie de la population sur le dos des journalistes), les échanges parfois musclés (sur les remous à la permanence de la FPJQ), la remise d’un prix mérité, le prix Judith-Jasmin Hommage à Yanick Villedieu, et les tribunes essentielles aux essayistes qui enrichissent nos réflexions sur le métier, sans bien sûr s’enrichir eux-mêmes à l’heure de publier un livre!

Quant aux auteurs, dont Jean-François Cliche (Fake news, le vrai, le faux et la science, Éditions MultiMondes), Mathieu-Robert Sauvé (Le journaliste béluga, Éditions Leméac) et Mickaël Bergeron (Tombée médiatique : se réapproprier l’information, Éditions Somme toute), leur présence était d’autant plus appréciée que la tenue du congrès coïncide souvent avec celle du Salon du livre de Montréal, un déchirement annuel pour plusieurs membres qui ne peuvent s’offrir le luxe d’une absence lors d’un événement littéraire de cette envergure.

Les dangers d’une profession en danger

Que retiendra-t-on de cette thérapie annuelle et collective? Sa tenue relève d’un petit miracle. À renouveler sous cette forme? Personne ne le souhaite, mais tout le monde le craint à mots couverts. Elle aura surtout permis un partage d’expériences inédites en cette année invraisemblable, démontrant à quel point la désinformation, la polarisation des débats et, disons-le, une certaine ignorance rendent difficile, même dangereuse, la profession de journaliste.

Les récentes victimes abondent, de Daniel Thibeault de Radio-Canada à Yves Poirier de TVA en passant par notre président, Michaël Nguyen du Journal de Montréal, et Kariane Bourassa également de TVA. Le témoignage de celle-ci, livré avec aplomb et allant au-delà de l’incident des attouchements de deux militants antimasques lors d’un direct le 26 juillet dernier, nous a permis de mesurer l’ampleur de la crise, et pas juste celle de la COVID-19.

D’ici à ce que les compagnies pharmaceutiques aient trouvé le vaccin miracle, et les gouvernements du monde entier la meilleure façon de le distribuer aux citoyens, la FPJQ ne manque pas non plus de grands défis. Elle doit reconstruire sa permanence, consolider son membership, nourrir les débats publics, continuer à tisser des alliances avec d’autres organisations qui partagent les mêmes grands principes, dont l’Association des journalistes indépendants du Québec, et contrer les effets pernicieux du scepticisme à l’égard de la science, des faits objectifs, et du journalisme.

Pour accomplir tout cela, il faudra une vaste mobilisation, insufflée par un conseil d’administration dont j’ai maintenant l’honneur de faire partie. Mais je sens déjà que l’an prochain, j’aurai besoin de ma thérapie collective. Karaoké inclus!

-30-

 

André Lavoie est critique de cinéma au journal Le Devoir et journaliste indépendant. Il collabore notamment au magazine Sélection du Reader’s Digest et à l’émission Aujourd’hui l’histoire sur Ici Radio-Canada Première, en plus d’être recherchiste pour la télé, animateur et conférencier. De 2014 à 2019, il fut vice-président de l’Association des journalistes indépendants du Québec. 

 

Les propos reproduits ici n’engagent que l’auteur. La FPJQ ne cautionne ni ne condamne ce qui est écrit dans ces textes d’opinion.  

Retour à la liste des nouvelles
 

Inscription à l'infolettre

Restez informé(e) de nos nouvelles et des activités à venir