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Depuis janvier 2018, vous retrouvez chaque semaine, à la fin de votre lettre InfoFPJQ, sous la plume de journalistes et chroniqueurs bien connus, un point de vue ou une analyse sur l’actualité médiatique.

Les propos reproduits ici n’engagent que l’auteur. La FPJQ ne cautionne ni ne condamne ce qui est écrit dans ces textes d’opinion.

La faute des autres

Par Gabrielle Brassard-Lecours

 

Les géants du Web, les décisions gouvernementales, l’iniquité des redevances, la compétition entre médias : invoquer uniquement ce genre de cause pour justifier des mises à pied révèle un manque de créativité, voire d’ambition. On ne peut pas tout mettre sur le dos de la fameuse « mauvaise conjoncture ». Je fais référence à la récente annonce de la direction du Groupe TVA, qui abolit 68 postes.

Bien sûr, les conditions dans lesquelles se retrouvent les médias aujourd’hui sont difficiles. Très souvent, ils en sont réduits à tenter de survivre. À qui la faute ? Bien sûr, les médias sociaux accaparent une portion importante des revenus publicitaires des médias, bien sûr, l’aide gouvernementale est mince et rare, mais les médias eux-mêmes doivent faire un examen de conscience. Avoir été incapable de prendre le virage numérique à temps, alors que les outils technologiques étaient à portée de la main et n’étaient pas si difficiles à mettre en place, avoir laissé les conditions de travail des journalistes se détériorer, ne pas avoir réfléchi à de nouveaux modèles économiques (qui existent pourtant et fonctionnent) et avoir laissé en place des patrons ancrés dans le passé, plus occupés à protéger leurs acquis personnels qu’à développer les médias qu’ils dirigent sont autant d’erreurs qu’ils ont commises et dont ils sont les seuls responsables.

 

Dans le communiqué de TVA, on peut lire que « […] l’abolition de ces 68 postes est “ une autre conséquence de l’inaction des instances décisionnelles qui tardent à moderniser le système afin d’assurer la compétitivité des entreprises québécoises et canadiennes ” ». Dans ce même communiqué, on retrouve une liste « d’actions demandées » pour remédier à la crise médiatique. Utiliser la mise à pied de certains employés pour faire des revendications externes me semble un brin opportuniste. Il faut aussi assumer ses choix et ses décisions internes, stratégiques ou pas. Couper dans l’information internationale, supprimer des postes de journaliste et non des postes de cadre, maintenir ces journalistes dans des situations précaires, les garder par exemple sur des sièges éjectables pendant des années voire parfois toute leur carrière : ces décisions n’ont rien à voir avec les géants du Web, ni avec le gouvernement.

 

Je prends ici l’exemple de TVA, mais ces constats peuvent s’appliquer à plusieurs de nos médias. Au lieu de rejeter le blâme sur tout le monde quand vient le temps de faire des compressions et de se débarrasser de ceux qui travaillent à la sueur de leur front, il faudrait peut-être d’abord commencer par se regarder dans le miroir et se demander ce qu’on peut faire avant d’en arriver là. C’est trop facile de se déresponsabiliser. L’inaction est le fruit de politiques internes. Elle vient d’un manque de courage et de sens des responsabilités.

 

Des nouveaux médias innovants et économiquement viables, il en existe. Il n’en tient qu’à nous de nous en inspirer, ou, mieux, de travailler avec eux. Mais cette idée, ce sera pour un autre billet.

 

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Gabrielle Brassard-Lecours est journaliste indépendante. Détentrice d’une maîtrise en journalisme international, elle a notamment été rédactrice en chef adjointe du magazine Kaléidoscope, a travaillé à Radio-Canada et dans différents journaux de Transcontinental, en plus d’écrire à titre indépendant pour plusieurs publications dont Le Devoir, Protégez-Vous, La Gazette des femmes, l’Agence Science-Presse et plusieurs autres. Elle est également cofondatrice du collectif de pigistes Ublo média et de Ricochet, dont elle également responsable de l’information. Elle s’intéresse notamment de près à l’état des médias et à ses modèles d’affaires et est passionnée par son milieu, qu’elle tente toujours d’améliorer.

Les propos reproduits ici n’engagent que l’auteur. La FPJQ ne cautionne ni ne condamne ce qui est écrit dans ces textes d’opinion.

Crédit photo : Josie Desmarais

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