Billets

Depuis janvier 2018, vous retrouvez chaque semaine, à la fin de votre lettre InfoFPJQ, sous la plume de journalistes et chroniqueurs bien connus, un point de vue ou une analyse sur l’actualité médiatique.

Les propos reproduits ici n’engagent que l’auteur. La FPJQ ne cautionne ni ne condamne ce qui est écrit dans ces textes d’opinion.

Billet de rien

PAR HUGO MEUNIER

Morosité.

C’est le mot qui me vient en tête spontanément en m’installant pour écrire ce billet. 
Je me suis encore fait avoir avec ça d’ailleurs, maudit.

« Bonjour Hugo, serais-tu prêt à reprendre des billets pour une session de septembre à décembre ? », m’a écrit Guilaine de la FPJQ l’autre jour.
-Ok, ça paye combien donc ?
-Zéro.
-Dans ces conditions, j’embarque. Prochain arrêt… LE NEW YORK TIMES !

Guilaine sans « Y » en plus, franchement.


Remarque, je suis peut-être en dépression.

Je pleure en écoutant Cobra Kai et j’écoute du vieux Tricot Machine recroquevillé dans mon lit les lumières éteintes. Les jours de pluie, je bois un ballon de Ruffino Chianti debout devant la fenêtre en écoutant le soundtrack d’Amélie Poulain.

De toute évidence, je vais mal.

 

Mais bon, si on m’avait dit en mars dernier que le monde se crêperait le chignon autour du port du masque six mois plus tard à cause de la COVID-19, j’aurais déprimé sur un moyen temps.

Et que dire du karaoké élevé au rang d’activité la plus subversive au monde depuis l’affirmation de la rondeur de la Terre au 15e siècle (une théorie d'ailleurs largement contestée aux États-Unis).

 

Anyway, je suis très nostalgique de l’époque où le port du burkini au YMCA et le retrait du crucifix à l’Assemblée nationale passaient proche de faire basculer la province dans une guerre civile.

Ah le bon vieux temps, où les Youtubeurs, humoristes, et tatoueurs avaient encore bonne réputation. 

Ah la belle époque où l’expression « grainer un verre » n’avait encore jamais été prononcée.

Ah la douce période où on pouvait danser et chanter publiquement sans risquer une peine de prison à vie.

 

Morosité d’en être là six mois plus tard.

La Californie brûle. La deuxième vague va frapper dans 5-4-3...

La Ville de Montréal a l’air d’un chantier de construction. L’Halloween sera annulée dans 5-4-3…

Au moins j’ai féminisé l’Halloween, vous dire à quel point je suis un allié.

 

Sinon, ça va bien vous autres, journalistes, photojournalistes et autres camarades du plus beau métier du monde ?
Télétravail ou présentiel, me semble que la profession en prend pour son rhume ces derniers temps.

Il faut dire que les extrêmes en mènent large sur les réseaux sociaux et colportent une très mauvaise image du quatrième pouvoir.
Déjà qu’on partait à des années-lumière des pompiers dans le palmarès des métiers les plus aimés.

D’un bord, on nous traite de merdias, de l’autre de collabos du patriarcat. C’est devenu presque moins gênant dire qu’on est col bleu, député ou Lucie Laurier.

En même temps, une introspection s’impose quand ces opinions polarisées résonnent de plus en plus fort dans nos oreilles. Quand soixante automobilistes font Montréal-Québec pour protester contre la 5G, on dit que ce sont des coucous. Mais des milliers de personnes qui descendent dans la rue pour sensiblement les mêmes raisons, ça commence à faire peur.

 

Sur une note personnelle, je remarque que c’est plus difficile de faire ma job ces derniers temps.
J’ai l’impression de devoir souvent réexpliquer notre travail à tout le monde.

Dire à une PR (pourtant expérimentée) qu’on ne doit pas lui envoyer un topo pour approbation, dealer avec des refus systématiques pour des demandes d’entrevues, m’obstiner lorsqu’on nous demande d’envoyer nos questions par courriel (et lorsqu’on y répond seulement par courriel), expliquer à un monsieur que ce n’est pas à lui d’approuver notre photo pour coiffer un article dans lequel il est intervenant, etc. 

Ok, du calme, je sais ce que vous êtes en train de vous exclamer en lançant des objets : ouin mais URBANIA c’est pas le Courrier international non plus !

Peut-être (on est quand même plusieurs à avoir une carte de la FPJQ dans les poches), mais je n’ai quand même jamais eu autant de difficulté à avoir des réponses positives à mes demandes d’entrevues auprès de certaines instances. Je ne doute pas que ça fonctionne mieux à La Presse ou dans les autres médias traditionnels, mais je serais quand même curieux de savoir si les collègues de ces médias vivent actuellement des situations semblables.

On jase entre nous autres là.

Par exemple, j’ai essuyé cinq refus consécutifs à mes demandes auprès du SPVM, via son département des communications. Cinq depuis mars. La COVID a le dos large, puisqu’on invoque presque chaque fois des raisons logistiques. 
 


 

Même chose pour une demande d’entrevue auprès du premier ministre Legault. Après avoir reçu Valérie Plante, Mélanie Joly, Gaétan Barrette et Jean-François Roberge, nous avons tendu la main une dizaine de fois à François Legault pour une entrevue depuis mars dernier. Oui oui, on le sait qu’il est très occupé le PM, mais il accorde quand même sporadiquement des entrevues à d’autres médias qu’il juge sans doute « plus sérieux ».
 


URBANIA s'adresse pourtant à un plus jeune lectorat et plusieurs enjeux les concernant sont occultés par les médias traditionnels lors de ces rencontres éditoriales.

 

Mais ma pire expérience récente concerne une demande d’entrevue à Santé Canada pour m’entretenir avec l’ambassadrice en chef de la santé publique Theresa Tam, en marge de sa sortie récente entourant la dépénalisation des drogues dites dures. « Nos jeunes lecteurs/lectrices sont très sensibles aux questions liées à la drogue et il serait intéressant de vulgariser un peu pour alimenter le débat. Une entrevue téléphonique ferait l'affaire, environ 30 min max », avais-je demandé au département des communications de Santé Canada.

Il s'ensuivit un désespérant jeu de ping-pong épistolaire d’une grosse semaine avec les relations publiques pour préciser ma demande (pourtant claire). La Dre. Tam voulait les questions à l’avance, une condition sine qua non pour accepter ma requête.
 


Finalement, au bout d’une interminable négociation, Santé Canada décline ma demande d’entrevue. « Son emploi du temps ne lui permet pas d’accepter cette entrevue », m’indique-t-on en me partageant des liens menant à des « trousses d’outils » de Santé Canada. 

Triste de constater que l’emploi du temps chargé de Mme Tam était consacré à préparer cette désolante sortie publique quelques jours plus tard.

 

Morosité de tout ça, bref, à l’heure où l’automne s’installe et où l’ouverture des calorifères génère une odeur de poussière brûlée.
C’est probablement juste une mauvaise passe, normal j’imagine après des mois d’adrénaline pandémique.
Faut dire que ma location d’un chalet infesté de couleuvres et de souris à Saint-Paulin m’a peut-être pas suffisamment permis de recharger les batteries. 

Enfin, y’a pas à se plaindre trop quand même.
J’ai encore une job et une machine à karaoké personnelle qui fait de la lumière.

Bonne rentrée à tous quand même.

Si vous êtes aussi morose, évitez l’écoute de The social Dilemma sur Netflix, qui risque d'aggraver votre condition. 

 

-30-

 

Diplômé en littérature, Hugo Meunier s’est tourné vers le journalisme pour payer son loyer. Après avoir couvert les conflits au Liban et en Afghanistan, il s’est découvert une passion pour le journalisme d’immersion.
Il a été journaliste à La Presse, puis Directeur de la production de contenus numériques au Journal de Montréal. Il est maintenant journaliste à Urbania.

 

Les propos reproduits ici n’engagent que l’auteur. La FPJQ ne cautionne ni ne condamne ce qui est écrit dans ces textes d’opinion.

 

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