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Depuis janvier 2018, vous retrouvez chaque semaine, à la fin de votre lettre InfoFPJQ, sous la plume de journalistes et chroniqueurs bien connus, un point de vue ou une analyse sur l’actualité médiatique.

Les propos reproduits ici n’engagent que l’auteur. La FPJQ ne cautionne ni ne condamne ce qui est écrit dans ces textes d’opinion.

Les médias d‘information au temps du coronavirus

PAR NATHALIE COLLARD

« It was the best of times, it was the worst of times… »

Même si on n’a pas lu A Tale of Two Cities, on connaît tous le début du classique de Charles Dickens.

Et ces mots s’appliquent parfaitement bien à la situation que nous vivons ces jours-ci.

 

« C’est le meilleur des moments… » pour les médias d’information, d’abord parce que nous accomplissons la mission pour laquelle la grande majorité d’entre nous avons choisi ce métier : informer, être utile, participer avec pertinence à la bonne marche de notre société.

Sans prétendre que notre travail soit aussi crucial que celui des femmes et des hommes qui sont au front dans le milieu de la santé, ou qui travaillent dans des commerces essentiels (alimentation, pharmacie, SAQ…), notre travail prend tout son sens depuis le début de la pandémie.

Nous informons les gens au quotidien, nous les aidons à prendre des décisions éclairées. Nous les accompagnons aussi durant leur isolement préventif ou leur quarantaine, en leur proposant des divertissements, en les informant des multiples initiatives du milieu des arts, de la culture et des sports. Enfin nous leur donnons des outils pour combattre l’anxiété et le désespoir (car ils nous attendent malheureusement au tournant).

Je pense à mes collègues reporters, animateurs, chroniqueurs, mais aussi à tous ceux qui travaillent dans l’ombre dans les différentes salles de nouvelles (pupitreurs, recherchistes, rédacteurs, graphistes, correcteurs, éditeurs, affectateurs, directeurs de l’information, etc. ) ainsi qu’aux techniciens des médias électroniques (caméra, techniciens de son, réalisateurs…). Bref à tous ces gens qui, sur le terrain ou à la maison, sont plus que jamais au service du public. Avec, dans plusieurs cas, des enfants dont il faut s’occuper et peut-être même des parents de plus de 70 ans dont il faut s’inquiéter.

C’est aussi « le meilleur des moments » pour les médias d’information parce que nous avons l’occasion de rivaliser d’imagination et de créativité pour couvrir tous les angles, informer et rassurer.

En journalisme visuel, entre autres, on peut penser à l’extraordinaire graphique animé du Washington Post avec les petits points de couleur pour illustrer le processus de contamination du coronavirus. Il a fait le tour du monde. Ou au désormais classique graphique de la courbe qu’il faut réussir à aplanir et qui nous a fait comprendre en un coup d’oeil l’urgence de la situation. Sans compter tous les reportages de type « société » qui outillent les gens pour bien vivre leur isolement, pour aménager leur bureau, occuper les enfants, etc. Bref, en temps de crise, nous sommes plus pertinents que jamais.

Mais c’est aussi « le pire des moments » pour les médias d’information. Ou du moins, un moment particulièrement difficile. …Je ne suis sûrement pas la seule à m’inquiéter des impacts de cette crise sur notre industrie déjà si fragile.

Mercredi, le journal Le Courant, dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue, congédiait 60 % de ses journalistes. Ce matin, c’est le Journal Voir qui annonçait sept mises à pied. Je crains que ce ne soit le début d’une série de mauvaises nouvelles pour le milieu du journalisme.

Dans son édition de lundi dernier, le Columbia Journalism Review parlait aussi de tous ces médias qui ont abandonné leur mur payant pour que la population soit informée à propos de la pandémie. À court terme, pour eux, cette décision se traduit par une perte de revenus d’abonnements.

Bien sûr, on peut voir le verre à moitié plein et faire le pari que ces médias gagneront de nouveaux lecteurs qui s’abonneront par la suite. Mais ça demeure la version optimiste.

Il y a aussi la probabilité, inévitable, que plusieurs d’entre nous attrapions le fameux virus. Dans une salle de rédaction de plus de 100 personnes, on peut s’organiser. Mais dans une minuscule salle où les ressources sont comptées ou pire, lorsqu’on est journaliste-pigiste, les conséquences risquent d’être catastrophiques. Même chose pour la distribution des journaux qui repose sur des êtres humains en santé. Ou pour les bulletins de nouvelles qui ont besoin de cameramen, de techniciens, etc.

Au moment d’écrire ces lignes, la CBC venait tout juste d’annoncer l’abolition des bulletins de nouvelles locales et régionales pour se concentrer sur les informations nationales, en lien avec le coronavirus. D’autres réaménagements du genre seront sans aucun doute annoncés au cours des prochains jours et des prochaines semaines.

On dit que les crises sont des occasions à saisir. Je souhaite ardemment que les occasions se multiplient pour les médias d’information durant cette crise. Qu’à la fin, la colonne des « plus » soit plus longue que la colonne des « moins ».

Une chose est certaine : en temps de crise, les gens ont besoin de se réunir et de se serrer les coudes. Je note une augmentation des lignes ouvertes à la radio. Les gens ont besoin de témoigner, de raconter.

On parle souvent des médias d’information comme d’une « courroie de transmission ». La plupart des journalistes -moi y compris- sont allergiques à cette expression qu’ils jugent péjorative. Aujourd’hui, je choisis d’en voir le côté noble. Car c’est grâce à cette transmission, à ce lien entre tous nos lecteurs, auditeurs et téléspectateurs, que nous pourrons passer à travers ces temps difficiles. Espérons que la courroie ne lâchera pas…

 

-30-

 

Nathalie Collard est journaliste depuis plus de 25 ans, à l’emploi de La Presse depuis 2001. Elle a couvert le secteur des médias durant de nombreuses années, et ce, pour plusieurs publications. Elle est également l’auteure de plusieurs essais.   

 

Les propos reproduits ici n’engagent que l’auteure. La FPJQ ne cautionne ni ne condamne ce qui est écrit dans ces textes d’opinion. 

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