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Depuis janvier 2018, vous retrouvez chaque semaine, à la fin de votre lettre InfoFPJQ, sous la plume de journalistes et chroniqueurs bien connus, un point de vue ou une analyse sur l’actualité médiatique.

Les propos reproduits ici n’engagent que l’auteur. La FPJQ ne cautionne ni ne condamne ce qui est écrit dans ces textes d’opinion.

Monter à bord des caravanes électorales : une dépense nécessaire ou trop onéreuse ?

Par Christian Noël

Crier « en français » n’équivaut pas à une véritable question dans la langue de Molière.

Dans le contexte de la crise des médias, chaque dollar compte, chaque décision doit être soupesée, chaque dépense justifiée.  

 

D’autant plus quand il s’agit de décider si ça vaut la peine de dépenser jusqu’à 50 000 $ ou 60 000 $ pour affecter un journaliste à une caravane électorale.

 

Surtout qu’il y a d’autres façons de couvrir une campagne électorale que de suivre les chefs au quotidien, comme le racontaient les patrons du Devoir et de La Presse dans l’article de Philippe Papineau du 26 octobre.
 

« À La Presse, ce sont d’ailleurs les reportages de terrain qui ont bénéficié des sommes économisées en ne montant pas dans les avions. " On est allé se promener dans toutes les régions du Canada ", dit Éric Trottier. On s’est dit, on va se mettre à l’écoute des Canadiens. La vague orange en 2011, ça nous a tous frappés. Alors, on a beaucoup réfléchi. Il fallait être capable de voir venir une vague si elle s’en venait. » 
 

Florent Daudens du Devoir a le même regard, rappelant que le quotidien s’est notamment rendu en Colombie-Britannique et dans la région de Toronto. « On a vraiment eu une réflexion sur ce qu’étaient les luttes ou les régions révélatrices de l’humeur de l’électorat, ou même de l’issue du scrutin. » 
 

Et là je veux bien qu’on me comprenne : le but ici n’est pas de critiquer les positions tout à fait légitimes des collègues, dans les médias qui ont fait ce choix, qui donne d’excellents reportages et permet de couvrir les enjeux de la campagne en profondeur. L’objectif est simplement de donner l'autre perspective. 
 

S’il y a moins de journalistes francophones au quotidien dans les caravanes, on rend la vie plus facile aux chefs sur certains enjeux, certaines questions-clés de l'élection, qui méritent d'être creusées en profondeur.  
 

« Ça veut dire moins de questions en français, moins de diversité dans les thèmes abordés », racontait Louis Blouin, dans le balado Mêlée politique du 9 octobre. Le correspondant parlementaire suivait la caravane libérale et était le seul journaliste francophone à ce moment-là. 
 

« Sur certains enjeux très chauds, l’angle d’attaque de mes collègues du Canada anglais est très différent », comme l’affaire SNC-Lavalin, ou la Loi sur la laïcité de l’État, confiait-il à l’animatrice Fannie Olivier.  
 

Même sur la controverse du black face, les médias anglophones « ont insisté beaucoup plus longtemps » sur cette question que les médias francophones, rapporte le journaliste. 
 

Quand il y a moins de journalistes francophones sur les caravanes, on se prive de questionner les chefs à travers le prisme de tout un pan de la population. 
 

Crier « en français » après une question en anglais à un des chefs de parti ne sera jamais un substitut pour une série de questions en français sur le même sujet, qui force le politicien dans ses derniers retranchements, à expliquer sa logique, détailler ses idées, sur des sujets qui touchent l’auditoire, le lectorat francophone.  
 

Par exemple, le soir du débat en français, un groupe de journalistes francophones se sont relayés au micro pour presser le chef du NPD Jagmeet Singh à clarifier sa position relativement à la Loi 21.  
 

« Après 3 ou 4 questions, quand on essaie de le prendre par tous les bords, par tous les angles, et ce n’est pas plus clair, là on est vraiment capable de dire : ce n’est pas clair. », expliquait le correspondant parlementaire Philippe-Vincent Foisy, dans le même balado. 
 

Un de nos rôles est de poser les questions qui dérangent. Dans cette situation, la force du nombre aide les médias francophones à forcer les politiciens à sortir de la cassette et à obtenir les réponses qui éclairent. 

 

Monter dans les caravanes n’est pas la seule et unique façon de couvrir les chefs et les enjeux d’une campagne électorale. Mais ça demeure un aspect de la campagne à ne pas négliger. 

 

-30- 

 

Christian Noël est correspondant parlementaire pour Radio-Canada à Ottawa. Il fait de la radio avec passion depuis plus de 20 ans, notamment comme correspondant national à Toronto. Il a couvert en direct des événements marquants comme les attentats du 11 septembre 2001, les émeutes du G20 et l’attaque au camion-bélier. Les médias sociaux étaient au centre de sa couverture des ouragans Harvey et Irma en 2017.

Les propos reproduits ici n’engagent que l’auteur. La FPJQ ne cautionne ni ne condamne ce qui est écrit dans ces textes d’opinion.

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